Il s'agirait donc, dans ce cas, d'un accident et non d'un crime et Steeve Gagnon devrait être acquitté.
Steeve Gagnon est accusé des meurtres prémédités de trois personnes et de tentatives de meurtre de neuf autres personnes qui ont été blessées lors de la tragédie.
En livrant son plaidoyer, mercredi, Me Caissy a fait valoir que de nombreux éléments du témoignage de Steeve Gagnon sont véridiques et qu’il est «imprudent, mais pas invraisemblable» qu’il se soit penché pour ramasser quelque chose. Au soutien de son affirmation, il a souligné que la camionnette est montée à cinq endroits sur le trottoir, dont deux où ne se trouvaient aucun piéton.
Pas de préméditation
L’accusé, a rappelé le juriste, bénéficie de la présomption d’innocence et c’est à la poursuite de renverser cette présomption hors de tout doute raisonnable.
Cependant, si le jury ne croit pas son client et qu’il en vient à la conclusion que Steeve Gagnon a agi de façon volontaire, il ne peut pas, selon Me Caissy, conclure que c’était prémédité.
L’avocat s’est longuement attardé sur le fait que son client avait d’abord quitté son domicile pour aller faire un mauvais parti aux représentants de Service Canada, furieux qu’il était de voir ses prestations d’assurance-chômage interrompues. Des témoignages d’experts ont établi que Steeve Gagnon souffre d’un trouble délirant chronique et d’un trouble de personnalité qui se traduit par une impulsivité parfois incontrôlée, amplement démontrée en Cour par ses explosions de colère répétées à l’endroit du juge, du jury, des procureurs de la Couronne et même de son propre avocat.
Quant aux vidéos faites par Steeve Gagnon dans lesquelles il fait notamment référence à la possibilité d’aller frapper des enfants, l’avocat estime qu’elles sont «une expression de ses idées délirantes» et ne peuvent être vues comme une preuve de préméditation.
L'accusé avait la tête levée
En réplique, le procureur Simon Blanchette a attaqué la thèse de la perte de contrôle du véhicule par le chauffeur qui se penchait pour récupérer un objet sur le plancher, en rappelant qu’au moins deux témoins avaient vu le visage de l’accusé derrière le volant, l’un d’eux affirmant même que Steeve Gagnon s’était tourné vers lui et avait souri.
Me Blanchette a balayé toute référence au trouble délirant de l’accusé en rappelant qu’un psychiatre avait témoigné à l’effet que «l'état de l'accusé n'était pas suffisamment sévère pour altérer son appréciation de la nature de ses gestes ou de reconnaître que ceux-ci étaient mauvais».
Le procureur a plutôt dressé le portrait d’un homme frustré et en colère, sans emploi, insatisfait de sa vie, aux prises avec des problèmes financiers et des problèmes de santé qui n’avait plus grand-chose à perdre. Il a ainsi cherché à démontrer au jury qu’il y avait là non seulement un geste volontaire, mais clairement prémédité, en présentant à nouveau des extraits de vidéos enregistrées sur le cellulaire de Steeve Gagnon.
Des vidéos compromettantes
Dans ces extraits, enregistrés deux jours avant la tragédie, l'accusé avait raconté comment il allait écraser des dizaines d'enfants avec son véhicule dans trois cours d'école d'Amqui et qu’il allait ensuite se rendre au poste de police et attendre les policiers.
Or, Steeve Gagnon s’est bel et bien retrouvé dans la cour de la polyvalente quatre minutes après avoir quitté son domicile, mais celle-ci était vide, l’institution étant en journée pédagogique. «Il a adapté son plan aux circonstances et il l'a mis à exécution par la suite en frappant plutôt des gens sur le boulevard Saint-Benoît.»
Me Blanchette a souligné les similitudes entre le drame et le scénario présenté par l’accusé dans ses vidéos, soit le fait d’aller écraser des enfants dans trois écoles et ensuite se rendre au poste de police pour se rendre. Il a eu six minutes pour adapter son plan, a affirmé le procureur, mais il s’est déroulé de la même façon ailleurs, avec la même conclusion, Steeve Gagnon s’étant effectivement rendu au poste de la Sûreté du Québec d’Amqui pour se rendre après les terribles événements.
Répétition des gestes
Quant à l’impulsivité invoquée par son confrère en défense, même si elle aurait pu expliquer le premier impact, elle laisse quand même place à la préméditation pour un deuxième impact lorsqu’il est remonté sur le trottoir 120 mètres plus loin. «Entre ces deux points d'impact, est-ce que l'accusé a formulé un plan et l'a mis à exécution? S'il a agi impulsivement lors du premier impact, est-ce qu'il a réfléchi par la suite et décidé de recommencer l'exercice après?»
«Les mêmes questions se posent à nouveau entre le deuxième et le troisième impact 181 mètres plus loin.»
Pour la Couronne, Steeve Gagnon «a élaboré un plan pour se venger de la société. Il a mis ce plan à exécution avec les adaptations nécessaires aux circonstances et il a tué de façon préméditée et de propos délibéré trois personnes cette journée-là en plus d'avoir tenté d'en tuer neuf autres.»
Le juge Louis Dionne donnera ses directives au jury jeudi matin, après quoi celui-ci sera séquestré pour délibérer.