«Surpris», pour reprendre le terme utilisé par M. Fournier, ce dernier dit n'avoir «rien vu de comportement qui pouvait aller jusque-là». «Ça m’a attristé parce qu’au cours des années, j’avais développé une amitié que je n’avais jamais reniée», a témoigné mardi l’homme de 93 ans qui n’a plus besoin de présentation dans le monde du spectacle québécois.

 

Guy Fournier a aussi affirmé s’être inquiété quand il a su que Gilbert Rozon entretenait une relation avec la fille de 17 ans de l’humoriste Jean-Guy Moreau – Sophie Moreau, qui fait partie des neuf demanderesses -, mais puisque M. Moreau semblait approuver la relation, «il a cessé de s’en faire».

En contre-interrogatoire, la partie demanderesse a tenté de faire définir à Guy Fournier ce qui était, selon lui, un geste inapproprié.

M. Fournier a dit que selon lui, c’était plus courant à l’époque que les hommes aient «les mains baladeuses».

L’avocate est allée jusqu’à lire un extrait d’une biographie de Guy Fournier où il est écrit qu’il lui est arrivé d’avoir les mains baladeuses et qu’il a «frôlé les seins» d’une employée et «flatter le dos d’une autre jusqu’où les mains ne doivent pas se rendre».

Guy Fournier a répondu que ce paragraphe n'a pas été écrit par lui.

Au micro de Noovo Info, il indique de ne pas regretter les gestes qu’il a posés à l’époque. «Je pense qu’il faut vivre avec son temps», a-t-il dit, ajoutant que les temps ont changé depuis.

«Toujours impeccable»

Après le témoignage de Guy Fournier, ce fut autour de l’ancien premier ministre Pierre-Marc Johnson d’être appelé à la barre des témoins mardi après-midi au palais de justice de Montréal.

 

M. Johnson a expliqué s’être lié d’amitié avec Gilbert Rozon en 1980 en raison de leurs intérêts communs pour la culture. M. Johnson était à l’époque ministre du Travail sous la bannière péquiste.

Pierre-Marc Johnson a affirmé avoir vu Rozon environ 25 fois par année depuis des années notamment lors de spectacles et de soupers. «Il était toujours élégant, très généreux, avenant et poli», a-t-il mentionné.

Selon M. Johnson, ce qui était frappant, c’est l’attitude des femmes envers Gilbert Rozon et non l’inverse. «Je ne l'ai jamais vu faire quelque chose. Il a toujours été impeccable, poli, courtois, jamais un geste, même une parole, même en privé. Je ne l'ai jamais vu faire de commentaires concernant le corps des femmes», a-t-il affirmé précisant qu'il n'avait vu Rozon en état d'ébriété que deux fois lors de leurs nombreuses rencontres.

Pierre-Marc Johnson a témoigné qu’il a été surpris par les allégations d’agressions sexuelles visant Gilbert Rozon, qu’il n’a jamais senti que Rozon pouvait agresser une femme, mais qu’il n’avait pas été étonné que ces allégations sortent dans le cadre du phénomène #Metoo.

«S'il y a quelqu’un qui a assez d’ennemis et qui était assez charmant pour se faire faire ça, c’est bien lui en raison de son succès», a-t-il dit, en ajoutant que ce serait toutefois une «invention».

«Intrépide, créatif»

Avant Guy Fournier, les témoignages de la défense ont repris mardi matin avec celui du producteur de Bon cop, bad cop, François Flamand.

M. Flamand s’est associé au festival Juste pour rire en 1988 – il y développera notamment les carrières de Lise Dion et Patrick Huard en plus de fonder le théâtre Juste pour rire. Il a quitté le groupe en 1994 pour fonder l’agence Sortie 22.

François Flamand a fait un retour avec Juste pour rire aux débuts des années 2000.

Pendant son témoignage, M. Flamand a décrit Gilbert Rozon comme quelqu’un «d’intrépide» et de «créatif». «C'était très stimulant de travailler pour lui», a-t-il affirmé.

Il a aussi dépeint Rozon comme «un homme qui aimait les femmes et qui les mettait en poste». «Il les faisait se dépasser», a-t-il dit.

François Flamand a par ailleurs été appelé à parler de certaines des demanderesses et de certaines de leurs témoins.

Il a notamment décrit Mary Sicari - qui affirme que Gilbert Rozon l'a agressée et harcelée sexuellement à d'innombrables reprises entre 1988 et 2004 - comme une femme «vulgaire», mais qui le faisait énormément rire. «Elle avait son show de cabaret», a-t-il expliqué en faisant référence aux gestes qu’elle pouvait faire. «Aujourd'hui ça ne passerait plus», a-t-il affirmé.

M. Flamand a aussi dans son témoignage attaqué la crédibilité du témoignage de l'animatrice et productrice Julie Snyder.

«Ça ne se peut pas que ça se soit passé comme ça, tout simplement», a-t-il rapporté au micro de Noovo Info.

Le témoignage de François Flamand a été brièvement interrompu un peu avant midi en raison d'un exercice d'évacuation au palais de justice de Montréal.

 

Rozon doit reprendre la barre jeudi

D'autres témoins devraient prendre la parole au procès civil de Gilbert Rozon, incluant l’ancien premier ministre du Québec Pierre-Marc Johnson. Le metteur en scène Serge Postigo est aussi sur la liste des témoins.

Gilbert Rozon a pour sa part amorcé son témoignage lundi après-midi. Ce dernier a toutefois été suspendu jusqu'à jeudi. 

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Le premier volet du témoignage de Gilbert Rozon visait avant tout à tracer les grandes lignes de sa vie de son enfance jusqu’à la réalisation du festival Juste pour rire. Il faudra donc encore patienter avant d’entendre la défense de Gilbert Rozon sur les allégations d'agressions sexuelles.

Rozon nie l’entièreté des allégations qui pèsent contre lui. 

Le procès civil de Gilbert Rozon s'est ouvert au début de décembre 2024 alors que neuf demanderesses lui réclament environ 14M$ pour des agressions sexuelles et des viols, entre autres.

Les neuf présumées victimes - Lyne Charlebois, Guylaine Courcelles, Patricia Tulasne, Danie Frenette, Anne-Marie Charette, Annick Charette, Sophie Moreau, Marylena Sicari et Martine Roy - ont d'ailleurs toutes témoigné au cours des six derniers mois.